Haize Hegoa

J’achète, je vends ou je vole sous une voile d’occasion: vieillissement, contrôles et plein d’autres infos

Vincent Chanderot, avec Anthony Llacer

Le marché de l’occasion, c’est la jungle. Savoir ce qu’il convient d’inspecter quand un inconnu vous propose l’aile de vos rêves, ça n’est pas si facile ! Cet article écrit avec notre ami Anthony de Revis’ailes pour PM+58 rassemble les témoignages de contrôleurs dotés d’une connaissance pointue des ailes usagées, ainsi que ceux de concepteurs et de metteurs au point, afin de guider vos achats et surtout de vous aider à en savoir plus sur votre aile. Pour la conserver beaucoup plus longtemps puis la revendre dans les meilleures conditions.

De l’utilité de connaître les mauvaises habitudes du vendeur… (Mae Giacometti)

Choix de l’aile : méfiez-vous de vous-même face à une trop bonne affaire

Méfiez-vous d’abord de vous-même face à une trop bonne affaire

Comme lors d’un achat neuf, le choix de l’aile doit être en adéquation avec sa pratique et son niveau actuel. Une trop bonne affaire pourrait inciter à opter pour une aile un peu trop exigeante par rapport à son expérience, ou à faire des concessions sur le PTV. Les super occases se trouvent souvent dans les ailes plus pointues, qui décotent rapidement car leurs propriétaires veulent rester compétitifs. Ne dérogez pas à cette auto-analyse : de quelle performance ai-je besoin pour ma pratique et quel niveau de sécurité suis-je prêt à accepter ? Pour qui vole uniquement en local, une B apportera autant de satisfaction qu’une C, la facilité et la sécurité en plus. L’exigence de l’aile doit correspondre à son niveau actuel, pas celui qu’on compte atteindre. Ne faites pas non plus de compromis sur le positionnement dans la fourchette de PTV : perdez ou gagnez du poids si vous y arrivez, patientez afin de trouver la bonne taille parfois plus rare, sinon tournez-vous vers un autre modèle, afin de vous situer confortablement dans la fourchette.

Âge de l’aile

On trouve à très petits prix des ailes de 15 ou 20 ans qui n’ont quasiment pas volé. Elles sont encore utilisables, mais un contrôle est indispensable : Cedric Nieddu chez Certika a déjà constaté des problèmes de résistance sur des tissus ou des suspentes à l’aspect pourtant neuf. Il faut ensuite avoir envie de voler avec une aile qui, en caricaturant à peine, n’atteint pas les performances d’une A actuelle avec la sécurité passive d’une D. Il existe un fossé entre les ailes actuelles et celles des années 2000, cependant de nombreux pilotes réalisent toujours de très beaux vols avec du matos de 10 ans d’âge. Une aile de 5 ans peut être surpassée, mais elle est loin d’être obsolète pour autant.

une aile contrôlée affichant 10 ans ou 400h au compteur peut encore voler haut et loin (Lauren Cox)

Volume horaire

Le volume d’heures de vol est un indice important, mais envers lequel il faut prendre du recul. Tout d’abord il est quasiment invérifiable à l’œil nu, le vendeur pourra facilement vous raconter ce qu’il voudra. Par ailleurs, Charles Aubert chez Rip’Air observe régulièrement qu’une aile ayant volé seulement 30h dans des environnements mouillants (neige, embruns, rosée, nuages…) pourra, si elle n’est pas stockée sèche, se révéler bien plus usée que la même aile avec 200h, entretenue et stockée convenablement. Aussi faudrait-t-il pouvoir se renseigner sur son historique, sa provenance, son propriétaire. Enfin, une aile avec 200h en 10 ans, ça n’est pas la même chose que 200h en 2 ans, une aile vieillit aussi en ne volant pas. Les pilotes travaillent en général trop peu le gonflage, mais d’autres y consacrent énormément de temps. Cet exercice, s’il sollicite moins la structure que le vol, expose toutefois le matériel au soleil et à des chocs. Le noircissement des boucles de suspente au contact des maillons est révélateur du degré d’utilisation de l’aile. Porcher annonce que bien entretenus, ses tissus lourds peuvent rester utilisables largement plus de 500h (beaucoup moins pour le light). Selon David Getaz, voltigeur et designer de Flyfat.CH, ces volumes dépassent généralement l’espérance de vie du suspentage. Pour Anthony Llacer chez Revis’Aile, un suspentage dyneema ou aramide gainé bien dimensionné ne sera pas forcément à remplacer sur la durée de vie l’aile. Cependant, sur des ailes performantes (C, D), dont le suspentage est dégainé et fin, ainsi que les Bi, une surveillance attentive de la résistance est nécessaire à partir de 200h. Honorin Hamard, pilote test Ozone et champion du monde préconise la prudence : « le resuspentage peut être conseillé à partir de 150h pour être sûr, mais les pilotes montent plutôt à 200-250h. Il suffit d’un gros vrac avec une suspente plus faible que les autres et hop, avec le report de charge c’est le désuspentage ». A une aile de plus de 250 heures proposée à 300€, il vous faudra peut-être envisager d’ajouter 300 à 600€ pour un nouveau cône, et 220€ si vous confiez le démontage / remontage / vérification du calage à un atelier comme Revis’Aile. Ça fait réfléchir.

Des gros wings, 360 ou sat à chaque vol rincent plus vite la voile surtout s’il sont faits toujours du même côté. Pensez-y si vous hésitez entre le rachat du biplace d’un pro qui envoie du vol sensation et celui d’un amateur pépère (Gradient team freestyle)

Tant de choses à regarder lors d’un achat

L’observation du bord d’attaque doit concerner l’homogénéité des joncs (ou des mylars). Ils peuvent se déformer avec des pliages trop compacts ou bâclés. Le bord de fuite et l’extrados avoisinant subissent parfois des frottements au gonflage. Il en découlera une usure plus prononcée des tissus, des coutures ou des pattes d’accroche des freins. L’inspection des ancrages de suspentes, amène à des réparations fréquentes dans son atelier, aussi, le patron de Nervures JM Bernos nous confie-t-il faire procéder systématiquement à leur vérification. Les réparations contribuent à la décote de l’aile, mais sont sans incidence sur la sécurité en vol si elles sont réalisées correctement. Les patchs de spi autocollant sont parfaitement adaptés aux petits trous et aux entailles, mais doivent être marouflés avec soin et arrondis sur les bords. En raison de leur sensibilité aux UV, les couleurs vieillissent plus ou moins bien selon la teinte et le fabriquant, mais toujours plus vite que la structure du tissu. Anthony Llacer observe des différences notables de mesures de porosité sur les bords d’attaque multicolores : les teintes sombres évoluent souvent mieux. Toutefois, des couleurs délavées ne signifient pas pour autant que l’aile est en bout de course.

Jetons un coup d’œil dans les caissons. C’est toujours à l’intérieur de l’aile qu’on pourra observer l’état de l’enduction, si elle reste cohésive avec le tissu.  Elle est appliquée sur la face interne afin de la protéger, même sur les tissus « double enduction », qui sont enduits deux fois du même côté. La structure interne de l’aile peut aussi être inspectée. Lorsque l’aile se fracasse sur son bord d’attaque, il arrive que les bandelettes de maintien du profil cassent sans que le pilote ne s’en rende compte. Selon David Getaz, « l‘air à l’intérieur de la voilure est emprisonné et la surpression est telle que la voilure se déforme. Les conséquences possibles sont une déformation irréversible des profils et des diagonales ou encore des déchirures »

plein de trucs à casser aussi à l’intérieur des caissons

La propreté de la voile peut être révélatrice, même s’il vaut mieux parfois conserver quelques petites taches. Le tissu, quoique enduit de l’intérieur, préfère éviter les frottements d’éponge et plus encore les produits d’entretien. Selon Simon Serpollet chez RipAir, une aile peut sembler visuellement en état moyen, sale au toucher et présenter pourtant des caractéristiques mécaniques excellentes. Ceci étant dit, libre à vous d’imaginer avec quelle délicatesse le vendeur aura manipulé son matériel s’il ose vous présenter à la vente une aile sale, trouée à la clope, remplie de sable ou de foin (expériences vécues aussi avec des professionnels). Il fait à n’en point douter partie de ces piétineurs acharnés de suspentes, arracheurs de racines et bourreurs de sacs à coups de savate qui nous laissent parfois tellement incrédules.

« N’a connu que des décos herbeux, toujours bien pliée »

Selon Rip’Air, si vous pourrez vaguement vous faire une idée de l’histoire de la voile au toucher, les seuls vrais repères demeurent les données combinées d’un contrôle. Cédric Nieddu confirme que les problèmes liés au stockage sont très difficiles à détecter visuellement, « même pour nous qui sommes habitués à manipuler des ailes toute la journée ». Ils seront par contre révélés au contrôle par des valeurs de résistance et de porosité très faibles. « Le cocktail le plus néfaste est humidité + chaleur d’un stockage trop rapide ou juste chaleur extrême d’un coffre de bagnole. Le Dyneema des suspentes et pattes d’attache n’aime pas non plus la chaleur, elle altère sa résistance ». Une voile qui a connu la poussière ou un peu de sable en gardera des traces pour toujours, cependant ce n’est pas pour Certika un facteur de vieillissement prématuré du matériel. « Je n’ai jamais constaté que le sable avait fini par poncer le tissu ou les coutures ». L’aquitain Révis’Aile contrôle des voiles qui fréquentent le sable à longueur d’année et estime, quant à lui, qu’à long terme « le cocktail soleil, air salin, sable est très mauvais, non seulement pour le tissu, mais aussi pour la quincaillerie qui se corrode »

grosse chaleur, poussière, sable… pas top (c) Ozone

Ce que disent les contrôles

Le bon état visuel d’une aile peut ne pas refléter ses caractéristiques structurelles et en vol. C’est la raison pour laquelle les ateliers déconseillent fortement d’acquérir une aile sans contrôle. Simon Serpollet de Rip’Air estime qu’un contrôle simple peut suffire pour la vente d’une voile même ancienne à un inconnu : c’est un certificat qui garantit sa volabilité et permet de déterminer son prix de vente. Un contrôle complet préserve toutefois des mauvaises surprises qui pourraient échapper à votre vigilance et permet de vérifier la tenue d’éventuelles réparations. Le contrôleur s’assure aussi que l’aile est à jour d’éventuels rappels émis par le constructeur.

Cedric Nieddu chez Certika inclut l’inspection des pattes d’attache des suspentes dans son contrôle simple et celle de la structure interne dans le complet, mais il s’est aussi fait une spécialité du contrôle idéal selon lui, le contrôle complet avec test en vol (Rip’Air aussi): « On n’extrapole pas sur le comportement de l’aile à partir des résultats en atelier, on vérifie en vol que tout soit nickel ». Le panel d’examen des contrôles de base concerne la porosité, éventuellement la résistance à la déchirure, le test de rupture de suspente et le contrôle du calage.

Que dire de la porosité du tissu ?

On mesure au porosimètre le temps de passage (en secondes) de 0,25L d’air à travers 38,5cm2 de tissu sous 10mbar de pression en plusieurs endroits. Ce paramètre permet de se faire une idée de ce qu’a subi l’aile (déformation, stockage, nombre d’heures…) et comment elle a vieilli. C’est un indicateur utile pour l’acheteur, qui ne doit pas pour autant obnubiler l’utilisateur, d’autant plus qu’il est difficilement exploitable en valeur absolue. Il ne trouve de signification que confronté à l’expérience et à la base de données du contrôleur professionnel.

le porosimètre JDC de Revis’Ailes

Chez Certika, les protocoles de test en vol ont permis de relever des problèmes de comportement aux basses vitesses seulement pour des valeurs inférieures à 2s. « En dessous de 5s nous conseillons aux pilotes de cesser de voler et en dessous de 10s, nous proposons un test en vol pour être sûr. Ces valeurs limites ne sont pas les mêmes pour tous les ateliers, certains estiment qu’à 25s, il y a danger ». Il se dit que les tissus Porcher et Dominico évoluent différemment sur ce plan, cependant pour Cedric Nieddu « Les écarts de vieillissement ne sont pas significatifs à mes yeux entre les deux fabricants. Le Dominico 40g/m2 peut être mesuré jusqu’à 2000s à l’état neuf, tandis que le Porcher 38g/m2 n’atteindra que 1200s. Mais quand un Porcher sera à 200s, il aura conservé toutes ses caractéristiques structurelles, tandis qu’un Dominico à 200s indiquera une utilisation bien plus importante de l’aile ».

Une mesure de porosité plus faible s’accompagne d’une modification des performances en vol. Olivier Beristain, biplaceur de Paramoteur64 inflige 450h à ses ailes neuves chaque année et constate clairement une différence de comportement en repassant au même modèle neuf : « J’ai besoin d’un temps de réadaptation. Le gonflage est plus rapide, la voile a plus d’énergie dans les ressources. Mes ailes plus usées (mais resupentées et recalées) restent cependant très plaisantes à piloter ». 

Les plis blanchâtres traduisent un manque de cohérence entre l’enduction et le tissu. Le tissu de cette aile est proche de la réforme, avec des valeurs de l’ordre de 20sec.

Le test de résistance à la déchirure du tissu n’est pas systématique : il laisse une petite trace sur la voile, aussi il n’est pratiqué que lorsque subsiste un doute après le test de porosité ou encore dans certains cas particuliers (biplace, voile de plus de 10 ans). Pour Anthony Llacer « je n’ai jamais eu à réformer une aile en raison d’un test déchirure négatif sans que le test de porosité ne s’en soit chargé avant. S’il n’est pas demandé je peux toutefois proposer ce test pour lever une ambiguïté ». Chez RipAir, en revanche, « depuis l’inspection d’une voile quasi neuve dotée d’une valeur de porosité très élevée mais qui déchirait trop facilement, nous procédons automatiquement à ce test ». Honorin pense pour sa part qu’en dehors de la phase d’achat « la porosité ne change pas grand-chose au final, c’est la résistance du tissu et le calage que je surveille sur mes ailes ».

La résistance des suspentes

Le test de rupture de suspente s’effectue sur un banc de traction pneumatique : il tire sur la suspente et le dynamomètre mesure à quelle tension elle casse. La norme exige une résistance supérieure à 8G. Le test concerne une suspente centrale de la rangée des A ou des B, les plus sollicitées de toutes. Si cette suspente, qui doit vieillir le plus rapidement, passe le test avec succès, on considère que les autres doivent encore être bonnes. Cela ne reflétera pas l’historique de chacune, qui aurait pu subir des accrochages à des racines, des cailloux ou encore des piétinages, mais fournit une bonne approximation, c’est aussi pour cela qu’une inspection minutieuse de chaque suspente est proposée dans un contrôle complet. Pensez qu’une aile de paramoteur utilisable en libre pourra aussi avoir décollé ailleurs que sur du gazon et que le dyneema (certes peu utilisé en paramoteur) peut fondre partiellement par frottement. En paramoteur, les vibrations affectent la résistance des fibres aramide. Par leur nature, ces suspentes (qu’on désigne aussi de leur nom commercial : Technora® ou Kevlar®) doivent subir plus régulièrement un test de rupture que les suspentes dyneema. Ces dernières tendent plutôt à se déformer et exigent par conséquent un contrôle de calage plus régulier. Les ailes de grandes tailles sont suspentées comme les petites tailles, sans surdimensionnement. Par conséquent, non seulement les suspentes sont plus sollicitées, mais elles seront aussi plus rapidement hors des clous, puisqu’elles devront pouvoir encaisser chacune 8G pour passer le test. Le suspentage d’une aile S à PTV max 80 kg devra supporter 640 kg, tandis que celui d’une taille XL (max 120 kg), doté du même nombre de brins du même gabarit, devra résister à 960 kg ! (Soit en divisant par 12 suspentes A et B, respectivement 53 et 80 daN par brin). Les ailes de paramoteur DGAC sont soumises à une norme différente, moins contraignante.

Aramide et Dyneema

Lors de l’achat mais aussi dans la vie quotidienne, profitez de la vérification du serrage des maillons pour inspecter les gaines des boucles.

Le réglage du calage

Les suspentes s’allongent ou se contractent plus ou moins selon leur matière et leur position. Le profil de l’aile (calage, voûte, symétrie) s’en trouve modifié et cela peut s’avérer pénalisant en vol voire dangereux sorti du domaine de vol. Les suspentes arrière, les moins chargées, rétrécissent et rendent l’aile plus cabreuse, donc plus sujette à des parachutales ou décrochage. Un pilote régulier peut ressentir dès le gonflage une modification du calage de l’aile. Cependant le contrôle en atelier, qui consiste en la mesure de chaque suspente sous une tension de 5kg puis de la comparer avec les données constructeur reste le plus précis et le seul complet. La tolérance est +- 2cm. Les faisceaux de freins rétrécissent le plus rapidement parce qu’ils sont moins chargés. Les ateliers les remplacent généralement, car trop raccourcis ils peuvent gêner le gonflage, voire la reprise du vol après un vrac.

Certains pilotes vendent leur aile avec un calage ou une voûte qu’ils ont customisés eux-mêmes, sans forcément savoir s’ils étaient encore dans les clous. Attention, c’est un domaine d’expertise. Anthony de Revis’Aile : « Nous proposons cette prestation à des compétiteurs qui souhaitent optimiser la vitesse ou la maniabilité de leur aile, mais nous faisons en sorte de ne jamais outrepasser les limites de la norme. Les pilotes doivent bien comprendre que les modifications exigent toujours de faire un compromis, qui se fera au détriment d’un autre paramètre ».

Ce que ne disent pas les contrôles

La résistance de ses éléments est un paramètre déterminant de la sécurité du parapente, mais le profil de l’aile n’est pas moins important. Il évolue dès le début avec les coutures qui se tendent. Pour Honorin Hamard «  Dès 3 ou 4 vols, on n’a déjà plus la même voile. Une aile neuve qui sort du sac peut être 2km/h plus rapide à fond que celle qui a volé 3 ou 4 fois ! On prend en compte ce décalage en production pour que l’aile soit nickel après quelques vols, c’est pour ça que la Enzo3 est difficilement exploitable à fond sur les premiers vols, faut y aller tranquille au départ !  » L’élongation des tissus peut provoquer sur le long terme une déformation du profil qui pourra aussi affecter la sortie du domaine de vol. . L’état de surface devient parfois irrégulier, parsemé de bosses, notamment sur des ailes âgées et lourdement chargées : acro, trike et PTV étendu. Selon Honorin, « la structure bouge au fil du temps, j’ai déjà pu observer une fois sur une voile école vraiment malmenée un rétrécissement des tissus sur des panneaux internes dans le sens de la corde : ça interpelle quand même. Cela pourrait poser problème si les déformations n’étaient pas homogènes, mais globalement ça se passe bien ». Cette déformation affectant la polaire et la sécurité de l’aile est irréversible et impossible à compenser avec un calage. Elle n’est pas mesurable en atelier, mais uniquement perceptible en vol par le pilote et un observateur extérieur. Toutefois pour contrer ce vieillissement, David Getaz de Flyfat explique que « les tissus actuels utilisés pour les profils et la structure interne sont relativement stables et devraient pouvoir couvrir toute la vie du parapente sans déformation apparente. Nous utilisons des tissus Porcher à enduction « Universal » pour les intrados/extrados et la gamme d’enduction « Hard finish » pour une utilisation dans la structure interne (profils, diagonales, bandes de tension…). Le Hard finish est très stable, notamment dans le biais du tissu, et cette stabilité reste excellente après vieillissement. Nous orientons nos pièces – sur la table de coupe – de manière à optimiser le sens dans lequel le tissu est le plus stable et résistant. Cela offre in fine une excellente longévité aux ailes. Cependant une utilisation ou un stockage inappropriés peuvent altérer cette stabilité et engendrer une déformation, tout comme la voltige. Le vol avec une aile mouillée est aussi à proscrire : non seulement c’est dangereux mais en plus les profils peuvent se déformer de manière irrémédiable en engageant des manœuvres ou juste en faisant des virages brusques ». Certains ateliers proposent des contrôles approfondis des structures (pattes d’ancrages, nervures, diagonales, bandes de tensions) et gonflage ou test en vol. Le surcoût de cette dernière option en fait une opération qu’on réservera peut-être à certaines occasions, mais elle est cohérente pour les hauts de grands PTV et en paramoteur. Jean-Marie Bernos rappelle pour ces derniers que « avec des voiles chargées, utilisées le matin ou le soir dans la rosée, les pilotes doivent comprendre que leurs exigences en termes de performance et de maniabilité doivent impérativement s’accompagner d’un soin beaucoup plus important accordé à leur voile ».

Que se cache-t-il derrière une aile pour la dune ?

Certains ne font pas la distinction entre les ailes réformées (réservées au gonflage) et les ailes pour utilisation sur le sable, alors que ces dernières doivent absolument être encore aptes au vol. On peut gagner plusieurs dizaines de mètres de gaz en bord de mer puis prendre un vrac sous le vent d’un ou deux bi et désuspenter ! Les ailes décotées, dont la porosité est encore correcte, mais nécessitant un resuspentage fourmillent parmi ces annonces. Pour un passage ponctuel à l’océan, Cedric Nieddu lui, ne verrait pas de contre-indication à prendre sa voile habituelle, mais sans la laisser cuire sur le sable.

(Broust-Ozone)

Acheter et contrôler un parachute de secours d’occasion

Le parachute peut être plié et aussi installé en atelier, c’est la garantie d’un pliage effectué par un professionnel, qui pourra proposer son avis sur son état et son éventuelle obsolescence. Le contrôle ne s’attardera pas sur la porosité du tissu, très faible, de l’ordre de 0,4 s. Un test de déchirure est possible, mais c’est surtout la vérification des longueurs de suspentes qui aura de l’importance, en particulier chez un parachute de dix ans. Pour Certika « Au niveau des résistances, il n’y a pas de souci à se faire, mais si les diamètres ou matériaux des suspentes d’apex diffèrent des autres suspentes, il faudra s’assurer qu’il n’y ait pas d’écart de longueur. La stabilité du parachute ne serait plus garantie. Chez RipAir, Charles Aubert suggère que le taux de chute pourrait aussi s’accroître avec les rétractations, qui peuvent atteindre 15 cm, mais il conseille de ne plus utiliser de parachutes âgés de plus de 10 ans, conformément aux préconisations des constructeurs. Anthony de Revis’Aile déplore que les constructeurs ne mettent pas à disposition des ateliers les cotes et les tolérances associées, notamment entre les drisses et l’apex, comme cela se fait sur les parapentes. « Cela permettrait de pouvoir les contrôler de la même manière et potentiellement de prolonger leur durée de vie « par défaut » au-delà de 10 ans ». Le temps d’ouverture d’un secours aéré et replié au moins une fois par an est plus court, mais à moins de disposer de factures, il sera difficile de s’en assurer. La non-observation du pliage peut être à l’origine de décalages d’ouverture de plusieurs secondes (4s en autorot =100m). Cedric Nieddu de préciser : « Les panneaux peuvent rester collés même sur des parachutes neufs. Il est indispensable à mes yeux d’aérer et de replier un parachute neuf » tout comme un parachute acheté d’occasion, d’autant plus que les statistiques en tyroliennes révèlent beaucoup d’oublis d’objets pendant les pliages. Concernant les odeurs : « Tant qu’il n’y a pas de trace de champignon, pas de souci, nous avons beaucoup de voiles qui sentent un peu le moisi sans présenter de problème structurel ».

Concernant la taille du parachute, il est important d’en choisir un adapté à son gabarit. Idéalement nous devrions nous positionner 20% sous le PTV max. D’après une étude reprise par la FFVL, cette marge fait une vraie différence entre un simple choc et une blessure gravissime lors de l’impact.

Un bon contrôleur saura interpréter, grâce à son expérience, les modifications des paramètres de votre voile qui n’évoluent pas de façon homogène. Vous pouvez lui faire confiance pour emmener votre aile sans soucis jusqu’à plusieurs centaines d’heures d’utilisation. Appliquez tous ces conseils aussi à vous-même, afin de pouvoir revendre ensuite vos voiles dans les meilleures conditions !

Note sur les suspentes Aramide et Dyneema avec Anthony Llacer

L’Aramide est stable dimensionnellement, en particulier lorsqu’elle est gainée. Le matériau perd de sa résistance dans le temps, sous l’effet des efforts en traction et des UV, aussi il doit être surdimensionné en prévision de cette baisse. Sa tenue en température est très bonne (température de fusion environ 500°C), c’est pourquoi les concepteurs la privilégient presque toujours sur des ailes de paramoteur où les suspentes risquent de toucher le moteur chaud au sol. Contrôlez régulièrement sa résistance, mais gainée et bien dimensionnée, la suspente « Technora » (ou « Kevlar », mais c’est rarissime) pourra tenir la vie de l’aile. Dégainée et fine, il faut bien la surveiller à partir de 200hrs. Sa couleur naturelle à neuf est beige, mais elle se trouve aussi fréquemment teintée de rouge en version dégainée.

Le Dyneema est moins stable en dimension que l’aramide, surtout dans sa version dégainée :  le calage est à surveiller attentivement, tout comme la longueur du faisceau de frein qui tend à se raccourcir. Le Dyneema gainé, en version pré-étiré à chaud est aujourd’hui assez stable, mais pas autant que l’aramide. Les constructeurs préconisent un premier contrôle de calage après 30-40h. Sa résistance mécanique baisse très peu dans le temps. Cela permet d’avoir des diamètres plus fins et de minimiser la trainée du suspentage et il n’est généralement pas nécessaire de remplacer un cône Dyneema durant la durée de vie de l’aile. Par contre il faudra régulièrement inspecter les suspentes très soigneusement, car la  température de fusion assez basse (autour de 145°C) de ce matériau peut entraîner des problèmes lorsque les suspentes frottent les unes sur les autres. Le Dyneema brille d’un blanc éclatant à neuf, il paraît plus dense et plus rigide que l’aramide au toucher.

Beaucoup de fabricants utilisent un mélange de ces 2 matériaux sur une même aile, ce qui combine leurs avantages mais aussi leurs inconvénients : suspentes basses en Dyneema gainé et inter/hautes en aramide dégainé, avec un faisceau de frein en Dyneema. Ils ne mentionnent pas forcément les noms « Dyneema » ou « Aramide » dans leurs documentations, mais plutôt les références des fournisseurs de suspentes. C’est une difficulté supplémentaire dans le choix de son aile dont voici la traduction :

Aramide gainé : TSL , TGL , TNL A7343 , A6843 Dyneema gainé PPSL , DSL , A7850 A6480 , Ultimate
Aramide dégainé
A8000U , LTC
Dyneema dégainé
DC , Topline ultimate

La référence est suivie d’un chiffre, qui représente la résistance à la traction nominale. Par exemple : A8000U-230 = aramide dégainé, résistance initiale 230daN

Vincent Chanderot